mercredi 16 janvier 2013

Le Japon face à la décadence ?

Le Japon, troisième puissance économique mondiale s'enlise dans la crise. Population vieillissante, société sclérosée, classe politique corrompue, déflation, les indicateurs sont presque tous dans le rouge.

Un tableau sombre

L'économie japonaise ne reprend pas. Plombée par une dette atteignant presque deux fois et demi le PIB (218%), une déflation -c'est-à-dire lorsque les prix diminuent chaque année, ce qui n'est pas une bonne chose. Les entreprises voient en effet leurs bénéfices diminuer, puisque le même nombre de ventes rapporte moins- qui perdure et un déficit public colossal (8.2% du PIB en 2012 contre 4.6% en France). L'ancien gouvernement du Parti Démocrate (centre gauche) de M. Oda, qui avait tenté une politique de réduction des dépenses et le doublement de la TVA afin de diminuer le déficit, a été balayé par le parti libéral démocrate (PLD), parti conservateur, qui, hormis un intermède entre 2009 et 2012, a été systématiquement réélu depuis 1946. La corruption de la classe dirigeante -il n'est pas rare qu'un ministre démissionne (voire se suicide, cf une affaire impliquant l'ancien ministre des finances, Tadahiro Matsushita) à cause de conflits d'intérêts-,a pour conséquence le désintérêt de la part des jeunes pour la politique et sont peu optimistes, lesquels quant à une éventuelle reprise économique.

Is Abe Able ? 
(Able en est-il capable ? - TIMES magazine)

Shinzo Abe, actuel premier ministre du Japon.

La question mérite d’être posée. Shinzō Abe -se prononce Abé- a déjà occupé le poste de premier ministre entre septembre 2006 et septembre 2007. Il s'est fait réélire en partie sur un programme très ambitieux, nommé « Remettre sur pied le Japon ». Non seulement il prévoit de relancer l'économie japonaise à coup de plans de relance de milliards de dollars, mais il prône aussi une grande fermeté face à la Chine et dans le conflit qui les oppose. Vu comme un faucon -partisan d'une politique sinon agressive, au moins ferme-, il souhaite modifier la constitution japonaise afin de doter le pays d'une force militaire "conventionnelle" -le Japon n'a en effet pas le droit de disposer de forces militaires "offensives" ; portes-avions, missiles longue portée, etc.-
Le plan de relance économique a été dévoilé mardi 9 janvier. Ambitieux, celui-ci consacre 89.5 milliards d'euros dans des mesures de soutien dont la moitié pour des travaux d'infrastructures -constructions ferroviaires, bâtiments, normes sismiques etc.-, secteur qui emploie directement et indirectement une large main d'œuvre.
Mais ce plan a déjà été largement critiqué. Coûteux, on lui reproche d'être trop axé sur le secteur du bâtiment, or les lourds investissements ne risquent de ne donner qu'un stimulus temporaire à l'activité. Certes, des subventions à la R&D (recherche et développement) sont prévues dans le plan de relance, mais rien n'est fait pour restructurer plus en profondeur l'économie japonaise. Surtout, la corruption de la classe dirigeante et sa proximité (presque fusionnelle) avec le monde des affaires ne permet pas un débat en profondeur ou un renouvellement suffisant de la classe politique japonaise ; ses membres sont souvent âgés, et surtout, sont pour la plupart issus de quelques familles influentes.
Autre solution selon M. Abe : chercher de nouveaux marchés à l'export pour les mastodontes de l'économie japonaise (Sony, Toyota, Toshiba etc.). Ces conglomérats, les Keiretu, sont issus des Zaibastui (clique financière en français). Ce sont ces firmes tentaculaires qui, grâce à leurs exportations, soutiennent l'économie japonaise. Leur assurer des marchés est donc vital. Le premier ministre japonais M. Abe se rend donc à partir d'aujourd'hui en Asie du Sud-Est, principal marché émergent visé par le Japon. En effet, la crise économique et l'austérité généralisée en Europe réduisent la demande en biens et services, ce qui affecte directement les entreprises japonaises. 

Le Japon face à la Chine, et à ses voisins

Fait intéressant, le premier pays visité par M. Abe dans sa tournée est le Vietnam. Ce choix n'est pas anodin. Bien que officiellement communiste, le Vietnam tente d'imiter son voisin chinois en ouvrant toujours plus le pays aux investisseurs. Mais au-delà, le Vietnam est en conflit diplomatique avec la Chine, au sujet d'îles situées au large du pays. Cette situation ressemble à celle du Japon qui est également en conflit avec la Chine, au sujet des îles Diaoyutai/Senkaku. 

Les deux géants asiatiques se livrent depuis le début de l'année 2012 un véritable conflit au sujet de ces îles. La tension est montée à tel point qu'une expédition d'environ 150 Japonais sur ces îles inhabités a provoqué des émeutes anti-japonaises en Chine. Au début de cette semaine, la Chine a annoncé qu'elle mènerait une mission cartographique et surtout géologique sur ces îles. La tension est à son comble entre les deux parties. 

Mais les enjeux de ces ilots inhabités va au-delà de la démonstration de force. Outre des fonds marins riches en hydrocarbures, la souveraineté de ces îles, selon qu'elles appartiennent au Japon ou à la Chine, modifie complètement les frontières maritimes :

Carte maritime de la région, montrant les multiples conflits maritimes du Japon mais aussi de la Chine avec ses voisins du Sud Est asiatique.


Sur ce conflit, M. Abe a annoncé vouloir rester ferme face à la Chine. Peut-on cependant craindre un affrontement armé ? Si le risque n'est pas nul, il est peu probable. En effet, les balais de navires de gardes-côtes sont plus une démonstration de force qu'une préparation à un conflit, qui serait destructeur. Économiquement, la Chine est devenue le premier marché extérieur du Japon. Les entreprises japonaises contribuent pour beaucoup à la modernisation chinoise, et les deux parties ne peuvent pas se permettre d'entrer en guerre l'une contre l'autre.

Par ailleurs, ce conflit en dit long sur l'état d'esprit du Japon. Certains des faucons conservateurs japonais -qui ressemblent fortement à ceux qui tirent les ficelles du parti républicain américain- sont encore dans un esprit de guerre froide. Cette sclérose de la classe dirigeante est aussi importante dans la société. Le Japon reste un pays fermé sur lui-même, replié. A titre d'exemple, le pays rend difficile l'entrée sur le marché national pour les entreprises étrangères. Les Japonais sortent peu du territoire national. Or, lorsque l'on reste fermé aux autres (et au changement ?) on ne comprend plus forcément la réalité, ses problèmes, et les solutions nécessaires.

Enfin, terminons par une anecdote révélatrice du Japon. Il s'agit d'un des seuls pays au monde qui est en conflit territorial plus ou moins ouvert avec tous ses voisins.

Sources : gecodia.fr, le Monde, Wikipédia, Sénat.fr

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